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Le 17 Octobre 2012, la Commission européenne a proposé de réviser les directives de 2009 portant sur les énergies renouvelables et sur la qualité des carburants, en intégrant le facteur de « changement d’affectation des sols indirect » (CASI ou ILUC en version anglaise). Cette proposition fera l’objet d’un processus de co-décision avec le Conseil et le Parlement.
Trois ans seulement après la décision sur la politique de l’énergie, la proposition de la Commission représente un virage à 180 ° sur le développement de l’utilisation des biocarburants dans l’UE, alors que les Etats membres peinent encore à transposer les deux directives concernées, pour appliquer leur première mouture.
Ce revirement aurait un impact certain sur le secteur des énergies renouvelables en Europe et sur la possibilité d’atteindre les objectifs fixés pour 2020. La proposition de la Commission ignore totalement les investissements réalisés par les industries des biocarburants, dans la perspective de la croissance de ce marché, et donne un signal contreproductif pour convaincre les investisseurs de développer les biocarburants de vraies deuxième ou troisième générations en Europe.
Facteurs CASI/ILUC : une mauvaise réponse
Les facteurs de changement d’affectation des sols indirects ne sont pas un outil fiable et basé sur une science établie : selon les hypothèses et le modèle choisi, les résultats varient considérablement. En particulier le modèle IFPRI utilise des données non vérifiées et n’a pas fait l’objet d’une analyse critique par les pairs. Sa validité scientifique est hautement contestable.
Par ailleurs, pourquoi pénaliser les biocarburants avec un facteur CASI/ILUC alors qu’il y a d’autres causes bien plus importantes pouvant conduire à des changements d’affectation des sols et qui ne sont pas pris en considération ? En particulier, les conséquences de l’évolution démographique de la planète et des modes de vie: composition et quantités de la demande alimentaire, gaspillages, modes de culture, urbanisation et infrastructures, exploitation des ressources naturelles…
Pour réduire les impacts environnementaux, il sera, par exemple, bien plus efficace de promouvoir les meilleures technologies et techniques culturales et de protéger les zones sensibles dans le monde, plutôt que d’affecter des facteurs ILUC qui relèvent de l’arbitraire, en l’état actuel des connaissances.
Pas de plafonnement à 5 %
Le plafonnement a priori des biocarburants conventionnels, dits de première génération, à 5% de l’énergie consommée dans les transports terrestres est inacceptable : certains Etats membres, s’appuyant sur l’objectif de 5,75% pour 2010 de la directive de 2003 et sur celui de 10% pour 2020 de la directive de 2009, avaient anticipé le calendrier et dépassent déjà ce plafond. Revenir en arrière obligerait à fermer des capacités industrielles productives qui ont été dimensionnées en fonction l’objectif de 10%, alors que le marché des essences est déjà en forte baisse et que celui du gazole pourrait diminuer à l’avenir.
En tout état de cause, il faut préserver les investissements réalisés et permettre la progression des biocarburants durables !
Soutien aux biocarburants de vraies 2e et 3e générations
Les acteurs des filières de la première génération investissent dans la recherche et le développement des vraies deuxième et troisième générations.
Le développement des filières de production de biocarburants à partir des matières ligno-cellulosiques et d’algues, qui sont vraiment innovantes, doit être soutenu spécifiquement, par des sous-objectifs d’incorporation, avec des incitations adaptées
L’artifice du double comptage et du quadruple comptage relève de l’escroquerie intellectuelle puisqu’il permet d’atteindre l’objectif pour les transports avec des volumes virtuels. De plus, cela est incohérent avec l’objectif de 20% d’énergie renouvelable et avec celui d’une réduction de 6% des émissions de gaz à effet de serre dus aux carburants. Le comptage multiple peut même ouvrir la voie à des fraudes, déjà constatées dans les pays où le double comptage est appliqué à des biocarburants issus de déchets et résidus.
Les biocarburants d’origine agricole au-delà de 2020
La politique énergétique mise en place il y a trois ans permet à l’agriculture européenne de fournir les volumes de matières premières à la fois pour l’alimentation humaine, l’alimentation animale et pour les usages non alimentaires, comme l’huile de colza pour le biodiesel et le sucre de betterave ou l’amidon des céréales pour le bioéthanol.
Les surfaces agricoles européennes destinées aux biocarburants ont permis, par exemple, de doubler la production de protéines végétales pour l’alimentation animale, sous forme de tourteaux de colza, de drêches de céréales et de pulpes de betteraves: autant d’importations de tourteaux de soja en moins et un gain de 10 % d’indépendance pour la balance commerciale européenne !
Les biocarburants d’origine agricole auront toute leur place au-delà de 2020. Tant que les biocarburants de 2e et 3e générations n’auront pas atteint la viabilité économique, ils seront le moyen indispensable d’atteindre l’objectif minimum de 10% d’énergie renouvelable dans les transports. Ils fonctionneront en synergie avec eux lorsque des productions industrielles seront une réalité.